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À la caverne du Trou de la fée, la colonie est passée de 400 à 57 individus

Le 24 juillet 2013 — Modifié à 00 h 00 min le 24 juillet 2013
Par Karine Desrosiers

Le Parc de la caverne du Trou de la fée n'échappe pas à l'hécatombe qui frappe les colonies de chauve-souris au Québec. Le phénomène a été constaté dès mars 2011 alors que la colonie résidente de la grotte est passée de quelque 400 individus à 57, selon le dénombrement effectué ce printemps, avant que les chauves-souris ne quittent l'endroit pour la période estivale.

Selon Gerry Desmeules, directeur général du parc, la situation est grave mais pas dramatique alors qu'en Europe, là où le problème a été constaté dès 2006, on assiste à une remontée du nombre de chauve-souris dans des colonies qui avaient été infectées.

En moins de trois ans, plusieurs espèces de chauves-souris, comme la petite chauve-souris brune que l'on retrouve majoritairement à la caverne du Trou de la fée, ont connu un déclin supérieur à 90 %.

La principale cause de cette hécatombe est un champignon (Geomyces destructans), vraisemblablement d’origine européenne, qui s’est propagé au Québec en 2010.

Ce dernier cause une infection appelée syndrome du museau blanc, une allusion aux taches blanches présentes sur les ailes et le nez des chauves-souris qui en sont atteintes. Cette infection se développe lors de l’hibernation. Elle provoque des réveils fréquents chez les chauves-souris, qui doivent alors puiser dans leurs réserves d’énergie, jusqu’à ce qu’elles s’épuisent au cours de l’hiver.

« Quand on a fait le dénombrement en novembre 2010, il n'y avait aucun signe d'infestation. Mais, le 28 mars 2011, quand on est retourné à la caverne pour vérifier comment la colonie avait passé l'hiver, on a commencé à voir que l'infestation avait aussi débuté chez-nous. On est passé de 350 à 400 spécimens à 167. En novembre 2012, on en e compté 42 et en mars dernier, on a dénombré 57 chauve-souris dans la caverne », commente Gerry Desmeules.

Il y a même une équipe de chercheurs de Berlin qui est venue à Desbiens pour faire des prélèvements sur les spécimens du Trou de la fée afin d'analyser leur génétique et valider leur résistance au champignon incriminé.

« Il faut bien comprendre le métabolisme des chauves-souris. L'automne, elles s'engraissent le plus possible pour passer l'hiver. Elles abaissent alors leur température autour de 5 degrés environ. Leurs battements de cœur en été est d'environ 600 à la minute. Quand elles se reposent la tête en bas, ces battements sont au nombre de 300 mais en hibernation, elle réduit à 10 les battements de son cœur avec une respiration aux 90 minutes. De temps en temps, elles se réveillent pour aller d'abreuver sur les parois humides de la caverne. Cependant, la maladie fait en sorte qu'elles se réveillent plus souvent pour se gratter. Elles ont alors faim et tentent de trouver des insectes qui sont absents en hiver. Elles dépensent ainsi ses dernières réserves d'énergie et meurt d'épuisement », souligne Gerry Desmeules.

Jusqu’à maintenant, les seules espèces atteintes sont les chauves-souris qui hibernent dans les grottes et les mines abandonnées, car les conditions qui y existent (température et humidité) sont idéales pour le développement du champignon.

La contamination entre les individus est rapide car les chauves-souris hibernent en petits groupes serrés. Jusqu’à présent le syndrome du museau blanc a causé la mort d’environ 5,7 à 6,7 millions de chauves-souris dans l’Est du continent, soit dans 22 États américains et cinq provinces canadiennes. La petite chauve-souris brune, la chauve-souris nordique et la pipistrelle de l’Est ont connu les déclins les plus importants, soit respectivement 91 %, 98 % et 75 %.

Au Québec, les chiffres sont tout aussi inquiétants. Le syndrome du museau blanc est présent dans tout l’Ouest de la province, et ce, jusqu’à Chibougamau dans le Nord. Pour le moment, aucune mention n’a été rapportée sur la Côte-Nord et en Gaspésie.

Plusieurs mines et grottes qui abritaient des populations de milliers de chauves-souris durant l’hiver ont été touchées. Aujourd’hui, on compte généralement moins d’une trentaine de chauves-souris par site et, dans certains cas, elles ont même toutes disparues.

Sensibilisation

La protection et la mise en valeur de la chauve-souris fait partie de la mission du Parc de la caverne du Trou de la Fée.

« Nos guides ont ajusté leur discours en fonction du phénomène et parlent de la maladie qui affecte la colonie. La chauve-souris fait comme partie de notre mission et elle aura toujours une place importante sur le site », soutient Gerry Desmeules.

Le Centre d'interprétation de la chauve-souris, au premier étage du pavillon d'accueil demeure pleinement opérationnel. Cependant, en raison de la situation qui frappe la colonie, il n'y a plus de chauve-souris en captivité pour présenter aux visiteurs.

« On va accentuer notre travail sur la sensibilisation envers ce petit mammifère. Il a une très grande importance. Par exemple, une seule chauve-souris mange quelque 400 insectes par jour. Ça l'a un impact direct sur l'agriculture, réduisant la quantité d'insecticides utilisée », avance le directeur général.

Le site du Trou de la fée constitue un environnement idéal pour le suivi d'une colonie de chauve-souris. Elles quittent la caverne au mois de mai et reviennent à l'automne pour y préparer leur hibernation. C'est certain que le décompte automnal donnera une bonne idée de la situation.

« Cependant, il faut tenir compte du fait que les femelles n'ont qu'un petit par année. Quand le champignon sera enrayé, il faudra donc plusieurs années pour revenir à une colonie autour de 400 spécimens », de conclure Gerry Desmeules.

Rappelons qu'au Québec, il existe 8 espèces de chauves-souris dont trois d’entres elles migrent vers le sud en hiver); elles chassent et se dirigent par écholocalisation; elles ne sont pas aveugles; elles peuvent vivre jusqu’à 30 ans; elles atteignent de 21 à 42 cm à maturité selon les espèces (d’un bout de l’aile à l’autre); elles ont un ou deux bébés par année; c’est le seul mammifère au monde à être capable de voler.

Les chauves-souris du Québec sont insectivores. Elles peuvent capturer de 500 à 1000 insectes à l’heure. Ce petit mammifère nocturne a donc un rôle important à jouer dans la chaîne alimentaire, car il est le seul à pouvoir contrôler certains groupes d’insectes nocturnes, dont certains sont nuisibles à l’agriculture ou à la forêt. Le service rendu à l’agriculture est évalué à 3,7 milliards de dollars par année en Amérique du Nord.

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