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L'accaparement de terres agricoles sera étudié en commission parlementaire

Le 05 décembre 2014 — Modifié à 00 h 00 min le 05 décembre 2014
Par Karine Desrosiers

PRÉOCCUPATION. Le phénomène d’accaparement et de financiarisation des terres agricoles par des sociétés d’investissement est dénoncé depuis plus de deux ans par la Fédération de l'Union des producteurs agricoles. Enfin, le gouvernement fait preuve d'ouverture en acceptant la proposition du Parti Québécois de confier un mandat d'initiative pour l'analyse du phénomène de l'accaparement des terres agricoles. La Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles se penchera sur la question. Présentement, aucune date ou convocation n'est cependant au programme dans l'agenda de la commission.

Hier matin, la proposition du Parti Québécois a été acceptée alors que les députés membres de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ont accepté d'entendre les intervenants touchés par la spéculation et l'achat de terres agricoles par des firmes d'investissement privées.

Rappelons qu'il y a quelques jours, la direction du principal groupe concerné, Pangea, confirmait que son programme d'acquisition de terres agricoles au Saguenay—Lac-Saint-Jean était complet, l'organisation ne voulant pas trop concentré ses acquisition dans un même secteur et se placer ainsi à la merci de la température.

Déjà, Pangea est très actif dans le secteur de Kamouraska où elle a amorcé un programme similaire d'acquisition de terres et de mise en place de mégastructures agricoles.

À la mi-novembre, des représentants du groupe Pangea ont rencontré les représentants régionaux de l'UPA.

Tel que rapporté par Radio-Canada, le discours de Pangea est toutefois loin de rassurer le milieu agricole régional.

« Il reste que le phénomène d'accaparement des terres, il faut qu'il soit réglé et ça prend une intervention du ministre de l'Agriculture et du premier ministre qui est dans la région, M. Couillard. Il faut favoriser les fermes familiales », invoquait alors Yvon Simard, président de la Fédération régionale de l'UPA.

À la fin octobre, lors du 84 congrès annuel de l'UPA régional, ce dossier de l'accaparement de terres avait mobilisé l'attention et soulevé de multiples critiques.

Le premier vice-président général de l'Union des producteurs agricoles du Québec, Pierre Lemieux, avait alors lancé un véritable cri du cœur contre le phénomène Pangea et l'accaparement des terres agricoles. Tout ça risque à court terme de détruire le modèle traditionnel de l'agriculture et engendrer des conséquences dramatiques dans les régions en appauvrissant l'ensemble du monde agricole et les communautés où ces méga entreprises vont opérer.

« Je ne suis pas gêné de la nommer, c'est Pangea. Cette entreprise-là, il y a des gens qui la voient comme un enrichissement du monde agricole. Moi, ce que je vous dis, ce n'est pas un enrichissement, c'est un appauvrissement du monde agricole, c'est un appauvrissement de l'agriculture à moyen et à long terme. Quand une compagnie comme Pangea achète sur une spéculation sur la base de la valeur des terres, nos entreprises agricoles, pour être capables de compétitionner, faut qu'elles payent plus cher. Si je paye ma terre 500 $ ou 1000 $ plus cher de l'âcre, cet argent-là, je ne l'ai plus pour investir dans la productivité de ma propre terre agricole », expliquait alors Pierre Lemieux.

Dénonciation

Cette intention du gouvernement Libéral d'étudier le phénomène coïncide avec une virulente sortie, lundi dernier, du président général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau.

« Le phénomène d’accaparement et de financiarisation des terres agricoles par des sociétés d’investissement prend de l’ampleur au Québec. Des dizaines de milliers d’hectares sont actuellement la propriété de sociétés comme Pangea, Investerre Inc. et Partenaires agricoles S.E.C., et la tendance s’accélère. Le modèle d’affaires proposé par les sociétés d’investissement est une coquille vide dans laquelle les jeunes n’ont aucune participation dans les actifs, seulement dans les risques d’opération », a il commenté avec sévérité

La crise financière de 2008 a généré les conditions pour une véritable ruée mondiale vers les terres agricoles, considérées comme une valeur refuge par les gestionnaires de fonds en temps de crise. Le Québec n’échappe pas à ce phénomène. On évalue que la majorité des transactions qui ne sont pas intergénérationnelles sont maintenant effectuées par des sociétés d’investissement. Les producteurs se font de plus en plus damer le pion et la relève entrepreneuriale non apparentée (non familiale) ne peut pas compétitionner avec ces sociétés d’investissement.

De plus en plus d’exemples sont portés à l’attention de l’Union.

« Il ne faudrait que 300 investisseurs possédant 10 000 hectares chacun pour que soient remplacées nos 30 000 fermes au Québec. Est-ce réellement ce que l’on veut ? Les sociétés d’investissement se décrivent comme une planche de salut pour les jeunes de la relève. En réalité, ces sociétés, par leurs investissements spéculatifs, représentent une concurrence déloyale qui déstabilisent le marché et freinent l’établissement », ajoute pour sa part Pascal Hudon, président de la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ).

La pétition contre l’accaparement des terres, mise en ligne récemment par la Fédération, a déjà recueilli près de 2400 signatures.

Pour l’Union et la FRAQ, le Québec ne peut plus remettre à plus tard ses interventions pour freiner l’appétit des sociétés d’investissement. Le gouvernement du Québec doit se donner les moyens de connaître la situation et suivre la tendance. C’est pourquoi des mesures intérimaires sont requises pour une période de trois ans pendant laquelle l’acquisition de terres par entreprises ou par actionnaires de plusieurs entreprises serait d’un maximum de 100 hectares par année. Les transferts de fermes à la relève agricole seraient exemptés de cette mesure. Cela permettrait au gouvernement de faire une véritable analyse et d’arriver avec des solutions globales, non seulement à l’accaparement des terres, mais aussi à l’accès à la profession pour la relève entrepreneuriale.

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