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Marc Bergeron marqué par les horreurs de la guerre

Yohann Harvey Simard
Le 07 octobre 2022 — Modifié à 15 h 15 min le 07 octobre 2022
Par Yohann Harvey Simard - Journaliste de l'Initiative de journalisme local

Photographe de 1983 à 2002 pour les Forces armées canadiennes, Marc Bergeron prendra part à pratiquement tous les conflits armés de la fin du 20e siècle. Sans cesse exposé aux horreurs de la guerre, il manifestera rapidement les symptômes d’un choc post-traumatique, une maladie encore mal comprise à l’époque.

En 1990, Marc Bergeron est déployé en Arabie Saoudite dans la cadre de la Guerre du Golfe, laquelle opposait l'Irak à une coalition de 35 États dirigée par les États-Unis.

« Je me suis retrouvé à Al Quaysuma dans un hôpital de campagne à environ 40km des lignes iraquiennes. Et il y en avait des blessés. »

À des fins académiques, dit-il, « on a eu à filmer tous les blessés de guerre qui se sont retrouvés dans l’hôpital de campagne canadien. Étant donné qu’il n’y avait pas eu d’hôpital militaire depuis la guerre de Corée, il n’y avait plus d’images pour montrer les nouvelles façons d’enlever une balle, de faire des amputations, de faire des interventions au cerveau. »

Déjà qu’il était difficile pour Marc Bergeron d’assister de si près aux atrocités de la guerre, sa vie est également menacée alors que les tensions s'intensifient entre les belligérants.

« La peur de ne pas savoir si on allait revenir en vie nous habitait tout le temps. Parfois, ils ouvraient des brèches avec des bombes pour que les tanks puissent passer. Nos lits levaient ça d’haut dans les airs. »

Le jeune soldat est éventuellement affecté à un camp de prisonniers, où là encore, la noirceur et la brutalité de la guerre teintent ses photographies, mais également son esprit.

« On parle de prisonniers qui sortaient des tranchées les mains sur la tête. Toi, t’es un p’tit cul de 24 ans d’Alma. Jamais je n’aurais pensé me retrouver là alors qu’il y a 10 ans, j’étais dans les rues pour faire libérer Nelson Mandela avec mes cheveux longs en criant peace and love. Ça finit par te trotter dans la tête. Tu commences à te demander ce que tu fais là. Je me disais : “je ne suis pas né soldat, moi. Je suis ne suis pas un soldat, je n’ai pas envie de leur tirer dessus, moi.” »

Trouble de stress post-traumatique (TSPT)

Un an après son retour au pays, Marc Bergeron se sent mal, anormalement mal.

« J’ai été diagnostiqué combat fatigue parce qu’ils n’osaient pas dire que c’était un syndrome post-traumatique. »

Le soldat-photographe doit également composer avec la suspicion de ses pairs, qui eux-mêmes doutent de la véracité de ses maux.

« Vu que l’armée ne prenait pas le TSPT trop au sérieux à l’époque, ils m’ont renvoyé en Bosnie en 1994-95. C’étaient les pires moments de la guerre. Des pluies d’obus, ce n’était pas rare », relate Marc Bergeron, ajoutant qu’il sera même fait prisonnier par les forces serbes et qu’il servira de bouclier humain.

« J’ai filmé des messages d’adieux parce qu’ils nous avaient dit qu’on allait ressortir dans des sacs. »

De retour de Bosnie encore plus traumatisé qu’il ne l’était déjà, Marc Bergeron n’aura d’autre choix que d'ensuite prendre part à la guerre civile d’Haïti en 1995 de même qu’à la guerre du Kosovo en 1999, notamment. Les cadavres font à nouveau partie du quotidien du jeune photographe.

Sauvé par la photographie

C’est seulement en 2002 que Marc Bergeron sera enfin remercié pour ses services avec une pension d’invalidité. Il entreprend ensuite une formation en soins infirmiers, qu’il doit abandonner.

« Mon TSPT était trop fort… J’avais vu tellement de jeunes avec les jambes explosées, des crânes ouverts. Ça n’avait pas de bon sens que je travaille dans un hôpital », explique-t-il.

Alors qu’il avait momentanément abandonné la photo, il renoue avec sa passion, son salut.

« La photo a ouvert en moi des chemins vers la beauté et la vérité multiple, une sensibilité à fleur de peau pour toujours démasquer beauté et vérité derrière les apparats de la mort. Pour moi, la photo a été à la fois cause et remède, un lieu de rupture et de résilience. »

 

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