Mercredi, 24 avril 2024

Chroniques

Temps de lecture : 2 min 14 s

Problèmes de riches

Le 10 août 2022 — Modifié à 13 h 03 min le 10 août 2022
Par Diane Lemieux

Quand j’entends qu’il y a des retards pour l’émission des passeports et que cela cause de la grogne pour des milliers de voyageurs pressés de quitter leur maison après deux ans de pandémie, ça m’enrage.

Ça m’enrage parce que c’est un problème de riches.

Il y a des gens, comme moi, qui n’ont pas eu accès aux aides providentielles du ­fédéral pendant la pandémie, qui ont vu leur entreprise être ballottée par les nombreuses difficultés et qui ont vu leurs épargnes et fonds d’urgence fondre. Faut avoir la couenne dure pour être entrepreneur.

Il y a des gens, comme moi, qui ont été élevés par une mère monoparentale ­bénéficiant du programme de ­Solidarité sociale pour qui manger au restaurant c’est du luxe.

Il y a des gens, comme moi, qui n’ont pas pu aller chez le dentiste pendant la ­pandémie pour des raisons budgétaires. Et il y a des travailleurs qui n’ont pas pu aller chez le dentiste depuis des années pour des raisons budgétaires. À quand l’assurance dentaire pour tous ?

Il y a des gens, comme moi, qui ont dû aller se chercher des deuxièmes et troisièmes emplois pour joindre les deux bouts et qui se sont retrouvés dans le bureau du ­médecin plus capable de dormir, plus capable d’enligner deux pensées cohérentes d’affilée.

Il y a des gens, comme moi, qui n’ont pas vu le prix du panier d’épicerie gonfler. Parce que ça fait déjà un bout de temps qu’ils n’ont plus les moyens de faire l’épicerie. Merci à ma môman, à la ­Moisson d’Alma, à la ­St-Vincent de ­Paul et aux amis qui me permettent de manger à ma faim.

Quand ton fond d’urgence a fondu, que tu ne peux plus travailler parce que t’es en maladie, que tu n’es pas admissible au chômage, que tes assurances te laissent sécher un mois avant de te faire un premier chèque, que ton réseau familial et ­communautaire t’épaulent en t’offrant nourriture et réconfort, que te ­reste-t-il pour payer tes factures ? ­Tu dois marcher tête basse vers ­Service ­Québec faire une demande de B.S. et remplir le formulaire de 6 pages que t’as de la difficulté à comprendre parce que t’es déjà complètement brûlé.

Pour ceux qui ne le savent pas, un chèque du B.S. pour un adulte avec une ­contrainte temporaire à l’emploi c’est 870 $. Compte comme tu veux, faire un mois avec ce montant, c’est un exploit.

Ça, c’est là où je me trouve en ce moment. Mais je ne suis pas à plaindre. Je prends du mieux. Je récupère ma tête. J’espère pouvoir recommencer à travailler ­prochainement. Je suis bien lettré et bien organisé. Mon entreprise, somme toute, va bien et j’ai eu la chance de m’acheter une petite maison avant que les prix augmentent, ce qui rend le coût du logement décent.

Il y a beaucoup de gens qui en arrachent. Certains dû aux circonstances, certains par manque d’éducation ou de connaissance du système dans lequel on vit. Et il y a des trous dans notre filet social qui mériteraient des réformes.

Moi, ce que j’entends, c’est qu’il y a des retards pour l’émission des passeports.

Je comprends le désagrément de ceux qui attendent de recevoir leur passeport. Je comprends ce que ça représente de devoir annuler des vacances.

Mais c’est un problème de riches.

Pierrot Lessard

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