Chroniques

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« Rio Tinto veut qu'on l'aime : première étape » —Denis Trottier

Le 22 août 2016 — Modifié à 00 h 00 min le 22 août 2016
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Rio Tinto, la multinationale anglo-australienne, veut qu’on lui parle d’amour. La semaine dernière, un de ses patrons, monsieur Gervais Jacques, ne semblait pas comprendre pourquoi nous ne leur faisions pas davantage de « mamours ». Si je l’avais rencontré, je lui aurais demandé sur quelle planète il vivait.

Ne pas comprendre que les régionaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean ne soient pas en amour avec sa compagnie relève d’une connaissance bien limitée de notre histoire et même de notre présent.

Alors que la multinationale a bénéficié de centaines de millions de subventions pendant que la région perdait des milliers d’emplois dans le secteur de l’aluminium dans les 30 dernières années et que les promesses d’investissements se font attendre, il n’est que normal que nos relations soient tièdes. Qui plus est, demander « un appui massif » quelques semaines après avoir lancé l’idée de faire payer les riverains pour l’érosion que la compagnie crée elle-même, c’est assez stupéfiant. Le fait d’avoir fait parvenir une lettre aux riverains dans laquelle on précise que ce n’est pas les cas, n’efface pas la manière cavalière dont Rio Tinto traite les riverains et les organisations économiques, politiques, sociales ou culturelles de la région. Il y a un abcès et il faudra bien le crever.

C’est très bien de vouloir être aimé, mais l’amour ça ne se commande pas, ça se mérite et c’est basé sur la confiance et le respect. De la confiance et surtout du respect de leur part je n’en ai guère vu dernièrement et moins encore dans le passé. Il y a bien eu des efforts positifs de fait durant la période Alcan pour améliorer la situation, mais ceux-ci n’effacent pas les erreurs et le mépris du passé.

Au moment où l’on se prépare à de nouvelles audiences du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) concernant les berges du lac, il n’est que normal que les régionaux soient inquiets. En 1985, la compagnie Alcan a raté, lors de la première audience sur les berges, une belle occasion d’établir une relation de confiance avec ses riverains. En dépit que l’ensemble des mémoires présentés en 1985 demandaient une baisse du niveau du lac et un comité de gestion collective de ce bien commun qu’est le Lac-Saint-Jean et que ces demandes firent parti des recommandations du BAPE, la compagnie a rejeté celles-ci. Ainsi, pour conserver ses privilèges, elle a préféré faire du lobbying. D’abord auprès du gouvernement du Parti québécois, qui avait d’autres chats à fouetter, René Lévesque ayant démissionné. Le Parti québécois ayant perdu ses élections, le gouvernement libéral a refusé d’entériner les principales recommandations du BAPE, appuyant plutôt la compagnie qui refusait de partager la gestion du lac avec les régionaux.

L’absence de confiance entre les régionaux et la compagnie ne date pas d’hier. En effet, il faut se souvenir qu’en 1926 la compagnie Alcan a procédé illégalement au relèvement des eaux du lac, période que Mgr Tremblay a qualifié de « Tragédie du Lac-Saint-Jean ». La compagnie avait alors procédé, avec la complicité du gouvernement libéral de Taschereau, à l’ennoiement de milliers d’acres agricoles sans même les avoir acheté, ni même prévenu les agriculteurs que le lac allait monter de 17.5 pieds. On a ainsi bafoué les droits de propriété des agriculteurs et refusé de respecter les lois en vigueur. Alors que le gouvernement Taschereau a été obligé de reconnaître que le relèvement des eaux du lac avait été fait de façon illégale, il a passé une loi pour légaliser rétroactivement l’illégalité.

À l’époque, Onésime Tremblay s’est levé pour exiger que la légalité reprenne ses droits et on a tout fait pour l’écraser et lui faire perdre tout ce qu’il avait. De cette ignoble façon de procéder, ni le gouvernement, ni la compagnie ne se sont excusés.

Au moment où l’on doit s’engager dans un processus qui doit être basé sur la confiance, il est de mise que cette erreur du passé soit corrigée. Tant la compagnie que le gouvernement devrait s’excuser pour la manière dont s’est fait le relèvement des eaux du lac en 1926. Quelque 90 ans après les faits, on n’a pas encore vu l’ombre d’un remord et encore moins d’excuses publiques.

Il est plus que temps que justice soit faite. Il en va de notre relation de confiance tant envers le gouvernement que de la compagnie. Lorsque ce premier geste sera posé, nous pourrons par la suite examiner les autres conditions d’une relation plus affectueuse et plus cordiale, dans laquelle nous serons gagnant-gagnant.

Denis Trottier, Péribonka

 

 

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