L’épicerie de « Mademoiselle Jeanne » disparaît du paysage

L’épicerie de « Mademoiselle Jeanne » disparaît du paysage

Un autre pan de la petite histoire de Ville d’Alma vient de disparaître avec la démolition du bâtiment qui a abrité pendant quelque 63 ans la petite épicerie que tenait une sympathique Dame que l’on surnommait amicalement « Mademoiselle Jeanne ».

Jeudi dernier, le bâtiment ancestral a croulé sous le pic du démolisseur, laissant place à un trou béant sur la rue Scott où la petite épicerie a trônée pendant tant de décennies.

Mademoiselle Jeanne s’appelait en réalité Jeanne Gagné. Elle est décédée paisiblement le 14 janvier 2005 au CHSLD de Métabetchouan, à l’âge de 91 ans et 7 mois.

Une belle histoire

Jeanne Gagné avait ouvert sa petite épicerie, sur la rue Scott, le 13 août 1938. Elle a tenu commerce pendant près de 63 ans.

En août 1998, la municipalité lui rendait un vibrant hommage alors que dans Le grand livre d’Or de Ville d’Alma, on ajoutait une page unique, celle consacrée à la doyenne des commerçants de la ville, Jeanne Gagné, qui, à ce moment, célébrait 60 ans de service derrière le comptoir de sa petite épicerie. Jeanne Gagné avait célébré en juin de cette même année ses 85 ans. Elle affichait toujours bon pied, bon œil.

Ce qui caractérisait le plus Jeanne Gagné, c’était la constance dans son travail. En 63 ans, elle n’a pris que quatre semaines de vacances et s’est absentée à seulement deux occasions pour des raisons de maladie. En outre, en 1984, elle a dû abandonner son commerce pendant 5 mois pour soigner un cancer.

Le petit magasin de la rue Scott présentait, à sa fermeture, encore sensiblement la même apparence qu’en 1938.

Lors de la remise de sa plaque par Ville d’Alma, Jeanne Gagné avait raconté au Journal le Lac-St-Jean une partie de son histoire :

«À l’époque, j’avais acheté mes étagères d’un Monsieur Gagnon de Chicoutimi qui venait de fermer son commerce après 50 ans de services. Ces mêmes tablettes ont plus de 110 ans de services», nous avait-elle lancé avec un large sourire et beaucoup de fierté.

À son retour, après avoir soigné un cancer, elle avait repris le travail avec ce rythme de 6 jours semaines, de 8 h à 17 h.

Le petit magasin de la rue Scott présentait encore sensiblement la même apparence qu’en 1938, à l’exception des produits qui avaient suivi la mode.

Signe de son temps, sa balance traditionnelle trônait sur le comptoir, aux côtés de la caisse. Jeanne Gagné avait refusé le compromis d’acheter une balance électronique, jugeant la dépense trop onéreuse et l’utilisation trop complexe avec ses boutons. Elle se fiait encore à son oeil, son expérience et la précision de sa balance à plateaux.

« Le secret, c’est de respirer du bon air frais, de ne jamais sauter de repas, de manger raisonnablement, peu de gras, presque pas de viande et des légumes en grande quantité. Quant aux desserts, trois ou quatre par semaine, pas plus», nous mentionnait Jeanne Gagné, comme recette de sa bonne forme et de sa longévité.

En 60 ans, elle en a vu des gens, des choses et des changements.

« Pendant toutes ces années, il y en a bien quelques-uns qui m’ont joué des tours en m’échangeant des chèques sans fonds… Cependant, si seulement le quart des gens qui me doivent de l’argent me remboursaient, j’aurais assez d’argent pour que l’on parte deux voir le Pape à Rome…», nous avait-elle alors lancé en conclusion, tout en riant.

La doyenne n’est plus depuis quelques années et le bâtiment abritant son ancien commerce vient de disparaître.

Le grand livre de la vie peut maintenant changer de chapitre.

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