Mercredi, 30 octobre 2024

Chroniques

Temps de lecture : 2 min 16 s

Ce lac qui nous appartient

Serge Tremblay
Le 11 juillet 2023 — Modifié à 13 h 55 min le 11 juillet 2023
Par Serge Tremblay - Rédacteur en chef

Jasette de la gazette

Je ne suis ni un baigneur, ni un nageur, ni un amateur de nautisme. Je n’embarque dans une chaloupe qu’une fois aux cinq ans… Et encore!

N’empêche, difficile de ne pas aimer le lac Saint-Jean. À plus forte raison lorsque l’on vient d’ici, que l’on sent que quelque part, il fait partie de notre ADN. « On peut sortir le gars du lac, mais on ne peut pas sortir le lac du gars », dit d’ailleurs un vieux dicton local, un dicton que j’ai pu valider par moi-même après un exil à Montréal pour les études au début des années 2000.

Il y a dans ce lac quelque chose d’un peu mythique, voire mystique, qui lui donne ce cachet particulier et qui en fait un symbole si fort de notre identité. Une petite mer intérieure d’eau douce et poissonneuse, agrémentée de grandes rivières et de paysages naturels à couper le souffle.

Derrière ce portrait idyllique dont on aime bien se convaincre, la réalité est toute autre : ce lac, notre lac, est le réservoir personnel d’une multinationale. Un réservoir qui lui a été consenti à bien peu de frais et dont on n’a jamais vraiment eu le sentiment que l’on en retirait une contrepartie suffisante.

À chaque nouvelle année qui file, on reste sur une impression toujours renouvelée que quelque chose ne tourne pas rond. En l’espace de 12  mois, on a eu droit à un lac qui menaçait de déborder et à un lac qui passe sous la barre fatidique des 14 pieds avec tous les impacts que cela engendre.

Cette fois-ci, Rio Tinto nous explique que les conditions de sécheresse exceptionnelles qui sévissent cette saison sont parmi les pires des 70  dernières années. Difficile de le nier, l’été 2023 est jusqu’à ce jour hors normes.

Malgré tout, on demeure sur notre faim. Un climat de suspicion perdure au sein de la population, des riverains et des usagers du lac Saint-Jean envers Rio Tinto. À tort ou à raison, on reste avec le sentiment que l’entreprise a toujours une bonne raison à invoquer pour se justifier de ci ou de ça.

Indépendamment de la présence de gens de bonne volonté de part et d’autre, et je ne doute pas qu’il y en ait, il faudra bien un jour s’attaquer à la racine du problème. Si le lac Saint-Jean est une richesse collective, il faudra le traiter comme tel.

Il y aura toujours un conflit d’intérêt clair entre une utilisation à des fins économiques pour turbinage et une utilisation à des fins collectives d’un plan d’eau qui, il faut bien le dire, a davantage de signification pour la population que n’importe quel autre lac sur le territoire.

Le lac Saint-Jean est un réservoir, et ça ne changera pas. Les paramètres qui guident sa gestion, eux, le peuvent. Le penser est toutefois manquer de réalisme, diront certains. Il y a des emplois de grande qualité dans la balance, diront d’autres. Chose certaine, le passé leur donne raison puisque nous avons historiquement été à genou devant le grand capital plus souvent qu’à notre tour.

Si on ne finit pas par se tenir debout pour le lac Saint-Jean, pour quoi le ferons-nous?


Chaque semaine, un membre de l’équipe de Trium Médias prend parole sur un sujet de son choix, c’est La Jasette de la gazette.

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