Normalement, je n’en aurais pas parlé ici parce que ce n’est pas une nouvelle locale, mais c’est venu me chercher tellement profondément dans mes valeurs que je n’ai pas pu m’empêcher de vouloir le crier sur tous les toits. Je parle du bar La Tulipe, à Montréal, qui doit fermer ses portes.
Pour faire une histoire courte, La Tulipe est une salle de spectacle mythique, patrimoniale bâtie au début des années 1900, ayant vu passer sur ses planches de nombreux grands noms de la chanson et de la comédie. Un monsieur, un sombre individu, appelons le Pierre-Yves, achète le local commercial adjacent à la salle de spectacle, demande la conversion en zonage résidentiel. Erreur administrative, on lui accorde. Ensuite, Pierre-Yves se plaint et entreprend multiples procédures légales parce que, la salle de spectacle est trop bruyante et, ciel, c’est dérangeant. Après plusieurs années de tribunaux et d’amendes, la Tulipe reçoit l’ordre de ne plus utiliser d’amplificateurs sonores, ou en d’autres termes, ne plus faire de bruit du tout. La Tulipe ferme.
Sérieux. SÉRIEUX?! Si tu déménages à côté du Café du Clocher, tu peux t’attendre à entendre de la musique punk, du monde sur la terrasse qui jasent tard, pis qui s’amusent parce qu’ils sont en vie et heureux d’être là. Si tu décides d’aller vivre à côté du Berlioz, il est possible que tu aies un fond sonore de BOUMBOUMBOUM. Si ça te dérange, ne déménages pas à côté d’un bar. 1+1.
Ça m’a emmené à réfléchir à l’individualisme, en fait. Celui de Pierre-Yves. Pis après, le mien. Je suis fière dans ma vie, d’affirmer que je respecte mes limites, que je suis capable de dire non. Des fois, j’me trouve égoïste de me prioriser. J’ai des amies qui s’oublient pour les autres, évitent le conflit, détestent déplaire. Je leur rabâche les oreilles avec ma morale à 2 cennes, aie confiance en toi, affirme-toi, etc. Féminisme, séparatisme, je suis de tous les combats d’affirmation de soi. Prend la place qui te revient, tu y as droit, que je dis.
Est-ce que je compare des pommes et des oranges? Peut-être. Mais la question se pose quand la liberté de l’un brime celle de l’autre. Quand tu brises un cœur pour préserver le tien, ou que tu laisses une personne seule dans le besoin parce que t’as pas le temps. Que tu passes à côté d’une personne en état de détresse sans la regarder. Préférer ne pas suivre l’actualité. Ne pas vouloir regarder le carnage en Palestine, celui qui débute au Liban, parce que ouf, c’est dur, les enfants morts, les civils en pleurs. Tu veux pas voir ça, ça trouble la paix.
Je le sais pas, en fait, où se trouve la ligne entre la confiance en soi inébranlable et le narcissisme, entre se prioriser soi et devenir égoïste. On devient la meilleure version de soi même quand on a des bases solides, mais que reste-t-il de l’empathie, la reconnaissance de l’autre, la place de la société en tant qu’entité. À quoi t’as pensé, Pierre-Yves?
Pis moi, moi, moi, importante moi, à me regarder le nombril, qui est-ce que j’oublie?