Chroniques

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L’éveil tardif des Américains

Le 10 avril 2025 — Modifié à 08 h 00 min le 10 avril 2025
Par Roger Lemay

Ils commencent enfin à comprendre. Il était temps. Les Américains ne semblaient pas avoir saisi l’effet pervers des tarifs sur leur portefeuille. La majeure partie des électeurs de Donald Trump croyait en sa parole divine, lui, le miraculé, sauvé par Dieu d’un attendant meurtrier, pour les guider vers la lumière. Ils le croyaient aveuglément quand il prêchait que les tarifs allaient tellement faire mal aux pays exportateurs que ceux-ci n’auraient d’autre choix que de venir construire des usines manufacturières aux États-Unis, créant ainsi des milliers d’emploi. D’après ce que j’ai lu, la plupart des Américains n’avaient même pas non plus saisi que les tarifs étaient payés par les importateurs, donc par les entreprises américaines, qui refilent automatiquement le montant de cette taxe aux consommateurs. Résultat, une inflation galopante, donc moins d’argent dans les poches des consommateurs, donc moins de ventes, donc des entreprises moins profitables, donc une chute de leur valeur en Bourse. Celle-ci, au moment d’écrire ces lignes, a perdu environ 10% depuis les deux dernières semaines. À titre d’exemple, prenons un travailleur américain moyen de 50 ans, ayant réussi à économiser 250 000 $, montant qu’il a investi en Bourse, attiré par les rendements des dernières années. Et bien cet homme, en deux semaines, a perdu l’équivalent de 25 000 $. De quoi donner la nausée à des millions d’Américains, car ils sont nombreux dans une situation similaire.

C’est donc maintenant, et seulement maintenant, que les Américains se réveillent. Un éveil bien tardif. Depuis quelques jours, les manifestations (dont une très bruyante à Boston) se multiplient contre les tarifs, tout comme les entrevues d’économistes vulgarisant la situation sur à peu près toutes les chaines de télévision. Vous avez l’appli TikTok ? Les témoignages d’Américains dépassés par la situation, et en colère, y sont légion. Y’en a même qui s’excusent auprès des Canadiens. Pas tous évidemment. Ils sont aussi très nombreux à appuyer Trump. Quelqu’un n’ayant pas d’économie, pas d’actions en Bourse se fout éperdument de la décote des valeurs. Quoiqu’il en soit, selon les Démocrates, les tarifs en vigueur depuis la semaine dernière coûteront en moyenne 5000 dollars par citoyen pour la prochaine année. Alors on en vient à la question ultime. Si les tarifs font si mal aux consommateurs américains, pourquoi Trump ne fait-il pas marche arrière ? La réponse est simple. Les tarifs se traduiront par une entrée de plusieurs milliards dans les coffres du gouvernement, ce qui permettra à Trump de réaliser sa promesse électorale phare : une réduction d’impôts, notamment pour les classes les plus aisés.

Pour nous, Canadiens, comme je l’ai déjà mentionné dans une chronique antérieure, l’agression économique du gouvernement américain a l’effet d’un coup de semonce. Nous devons refaire nos devoirs et repenser notre économie, mais aussi notre positionnement en matière de Défense. Ce n’est pas simple, nos économies étant interreliées depuis toujours. On ne peut pas simplement déchirer le pacte de l’auto, ni les contrats d’approvisionnement en électricité à la Nouvelle-Angleterre et aux états du centre-nord-est. Mais, à partir de maintenant, toutes nos décisions devraient être orientées en fonction du développement de nouveaux marchés. Nous devons démarcher tous les pays ayant besoin de nos biens et susceptibles de devenir des partenaires. Sur environ 200 pays, il n’y a pas de grandes exceptions. Que quelques-unes. Le Canada n’a plus de relation diplomatique avec la Corée du Nord ni l’Iran, une relation très tendue (mais existante) avec la Chine, et quasi-nulle avec la Russie. Tous les autres pays peuvent devenir nos clients. Malheureusement, le Canada s’est déjà commis pour l’achat de 16 F-35 (sur 88 projetés), mais il n’est pas trop tard pour envisager une flotte mixte, en se procurant les autres avions chasseurs, notamment auprès des Suédois (le Gripen) ou auprès des Européens (l’Eurofighter).

À la guerre comme à la guerre.

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